Une vie à deux

Une vie à deux

Aujourd’hui, nous fêtons nos cinquante ans de mariage. Mais peut-être devrais je dire, “je” fête nos cinquante ans de mariage.

Pourquoi “je” ?

Non, ma femme n’est pas morte, elle est toujours là. C’est d’ailleurs pour ça que je les fêtes encore.

Non, elle n’as pas la maladie d’Alzheimer sinon elle serait surement dans un établissement spécialisé pour l’aider au mieux, au lieux d’être là à côté de moi, inutile.

Alors pourquoi “je” ?

Tout simplement, parce qu’elle est là, à côté de moi, dans notre maison, dans notre vie, dans ma vie et surtout dans mon cœur.

Elle est là, mais ne me parle plus, ne me souris plus, elle est juste là. Près de moi, le seul qu’elle accepte encore de côtoyer.

Je ne sais plus vraiment quand elle a commencé à se couper du monde, et de moi. Je crois que ça s’est fait petit à petit.

Au début, elle quitta son travail. Ne supportant plus ses collègues qui la prenait de haut, pour l’incompétence de ses responsables, pour la colère des gens qu’elle recevait en communication.

Puis ce fut le tour des gens à l’extérieur. Leur incivilité, leur égoïsme, leur incompétence. Elle s’est coupé d’eux, de ces gens qu’elle croisait dans la rue, dans les magasins, en voiture, etc…, en ne sortant plus de la maison.

Et avec le temps, elle n’avait plus grand chose à dire, à raconter. Ces journées lui semblait vide, mais elle n’était plus capable de sortir, d’aller vers les autres. Elle voulait que je lui parle, mais mon travail ne l’intéressait pas vraiment et surtout elle n’y comprenait rien. Et à part de mon taf, je n’avais pas grand chose à lui raconter. L’actualité ? elle s’en était coupé. Ma vie en dehors de la maison ? ça l’a ramené à celle qu’elle n’avait plus.

Seul resté notre amour l’un pour l’autre.

En tout cas le mien, car j’étais toujours là, présent à ses côtés. Souvent je me suis demandé, si j’étais toujours amoureux ou si j’avais le complexe du chevalier blanc. Mais non, je l’aimais toujours, j’avais ce besoin vitale d’être avec elle. Le sien? J’ai toujours des doutes. Elle me dis “je t’aime” de temps en temps, surement quand elle voit que je baisse les bras.

En attendant, on est là, pour fêter nos cinquante ans, en espérant que l’avenir sera meilleur, qu’elle sortir de son silence.

En attendant, je suis là, car j’ai besoin d’elle, elle est celle que j’ai choisit il y a cinquante ans, celle pour qui je ferai tout, même vivre seul.

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